Challenge AZ : L

Logogriphe

En explorant le site des Archives départementales de l’Hérault, je me suis laissée entraîner dans la presse ancienne, et plus particulièrement dans Les Affiches de Montpellier (1770-1775). Ce journal hebdomadaire publie à la fois des annonces de ventes, des offres ou demandes d’emploi, ainsi que diverses « nouvelles intéressantes ». À cette époque, la plupart des informations qui circulent en province viennent de grands périodiques parisiens, comme le Mercure de France, repris ou adaptés localement. C’est cependant au XVIIIᵉ siècle que naissent les premiers titres véritablement régionaux, qui trouvent rapidement un public curieux et fidèle.

Les Affiches de Montpellier se composent de quatre pages, sur la dernière, on y trouve un « logogriphe », parfois orthographié « logogryphe ».

Source : Mercure de France, 1/12/1727, p.203/220

Il s’agit d’une énigme, fondée sur les jeux de lettres. Il s’agit de faire deviner un mot principal ainsi qu’un ou plusieurs autres mots contenus dans ce mot principal. L’explication n’est très tout claire, j’en conviens. Le site http://unmotparjour.fr/ donne un exemple simple, le voici :

« Sans user de pouvoir magique,
Mon corps, entier en France, a deux tiers en Afrique.

Ma tête n’a jamais rien entrepris en vain.
Sans elle en moi tout est divin.
Je suis assez propre au rustique
Quand on me veut ôter le cœur
Qu’a vu plus d’une fois renaître le lecteur.
Mon nom bouleversé, dangereux voisinage,
Au gascon imprudent peut causer le naufrage.

Le corps est ici le mot « ORANGE », ville française. En ne gardant que les deux tiers du mot (soit quatre lettres sur six), apparaît « ORAN », ville d’Algérie, donc d’Afrique. La tête est « l’OR » et si on l’enlève, il reste « l’ANGE » (personnage divin). Lorsque l’on ôte le cœur (l’AN, qui renaît régulièrement), on découvre « l’ORGE » (le rustique). Enfin, en changeant l’ordre des lettres, le dernier mot à déceler était la GARONE (aujourd’hui écrit avec deux « N »…Garonne). »

Source : AD34, Affiches de Montpellier, 4 MI 28/2, vue 7/322.

Source : AD34, Affiches de Montpellier, 4 MI 28/2, vue 9/3222.

Le logogriphe est un véritable divertissement intellectuel. On en trouve par exemple dans les recueils d’énigmes de Mr l’Abbé Berthelin (1746) ou encore dans Le livre des jeux d’esprit de Félix Mouttet (1852), qui témoignent de leur popularité durable. La presse en publie également, qu’il s’agisse de titres nationaux ou de journaux locaux, et cette présence se prolonge bien au-delà du XIXᵉ siècle. Les rubriques récréatives continuent en effet de proposer charades, logogriphes et autres jeux d’esprit jusqu’au XXᵉ siècle, preuve de l’attachement durable du public à ces petites énigmes littéraires.

Source : Le Petit libéral du dimanche, 19/04/1903.

Source : Le Petit libéral du dimanche, 03/05/1903 (Notez qu’il faut attendre deux semaines pour avoir la solution).

Redécouvrir le logogriphe, c’est renouer avec le plaisir de suivre une piste, de tirer un fil et de voir peu à peu se dévoiler un sens caché. Ces jeux d’esprit rappellent combien la curiosité et l’attention aux détails peuvent transformer une simple suite de lettres en une découverte inattendue. Une manière élégante de rappeler que, parfois, les réponses se trouvent déjà sous nos yeux… il suffit juste de savoir les déchiffrer.

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