Challenge AZ : T
Touriste
Vos ancêtres ont-ils déjà posé le pied à Nice pour profiter de sa lumière, de son climat doux ou de la mer ? Ont-ils fait partie des tout premiers visiteurs, ceux dont il ne reste peut-être qu’une carte postale jaunie ou une photo oubliée au fond d’un tiroir ?
Mais comment vivait-on Nice en tant que touriste au XVIIIᵉ siècle, et en quoi cela diffère-t-il de l’expérience d’aujourd’hui ? Et inutile d’imaginer les vendeurs de beignets, on en était très loin. Plongeons un instant dans cette histoire : être touriste à Nice, hier, aujourd’hui… et entre les deux.
Source : AM Nice, Estampes « vues savoyardes et italiennes » Nizza, 1780-1850, 4 Fi9
Le tourisme à Nice prend véritablement forme au XVIIIᵉ siècle, lorsque des voyageurs européens, en particulier britanniques, viennent chercher ici un climat doux capable de soulager leurs maux. Parmi eux, le médecin et écrivain écossais Tobias Smollett, qui séjourne presque deux ans à Nice entre 1763 et 1765 pour raisons de santé. Il repart rétabli et, séduit par la ville, publie ensuite Lettres de Nice sur Nice et ses environs, un ouvrage dans lequel il déclare son attachement aux paysages soignés, aux orangers, aux citronniers et à la profusion de fleurs… tout en étant beaucoup moins tendre avec les habitants. À cette époque, Nice attire surtout des hivernants fortunés qui restent plusieurs mois, logent dans de grandes demeures et profitent des premières promenades en bord de mer. La ville conserve alors un charme « authentique », presque exotique aux yeux de ces visiteurs venus de loin.
Source : AD06, Photographie début de la promenade des Anglais : hôtel des Anglais, cercle des Etrangers, appelé aussi casino Léopold Amat, inauguré le 29 décembre 1867, Fonds Charles Nègre, 8 Fi 55.
Peu à peu, l’afflux de voyageurs transforme profondément la ville. Nice s’étend, de nouveaux quartiers voient le jour et l’on construit des maisons, des villas puis des hôtels conçus pour accueillir une clientèle toujours plus nombreuse. L’urbanisme évolue également : on aménage des jardins, des promenades en bord de mer et des espaces publics pensés pour offrir confort, loisirs et vues imprenables aux visiteurs. Avec le rattachement à la France et surtout l’arrivée du train au XIXᵉ siècle, la ville change soudain d’échelle. Le voyage devient plus simple, les distances se réduisent, et les touristes affluent en plus grand nombre, venant de milieux et de pays variés. Cette nouvelle dynamique fait naître une intense vie mondaine : casinos, salons, concerts, bals, spectacles… et bien sûr un carnaval qui, de fête populaire, se transforme en un rendez-vous élégant et incontournable, attirant chaque hiver une société internationale avide de divertissements.
Source : AM Nice, Photographie Carnaval, chars, cavalcades, grosses têtes, 3 Fi 2369
Au début du XXᵉ siècle, Nice demeure une destination prestigieuse, mais les habitudes de voyage changent : l’été commence à supplanter l’hiver, et la ville doit repenser son offre pour répondre à ces nouveaux usages. Les grands palaces, qui faisaient autrefois la gloire de la saison hivernale, connaissent des trajectoires contrastées : certains continuent d’attirer une clientèle aisée, d’autres peinent à se remplir ou se reconvertissent en appartements ou en résidences. La Première Guerre mondiale bouleverse encore davantage le paysage touristique : de nombreux établissements sont réquisitionnés pour accueillir blessés et réfugiés, tandis que la fréquentation étrangère s’effondre. L’entre-deux-guerres voit pourtant un regain d’activité, mais la crise de 1929 affaiblit les hôtels les plus luxueux, déjà fragilisés par l’évolution des modes de villégiature. Puis vient la Seconde Guerre mondiale, qui transforme la ville en refuge pour de nombreux exilés et met une nouvelle fois le tourisme entre parenthèses. Malgré ces secousses, la population niçoise continue de croître, portée par les emplois créés autour du secteur touristique et par l’extension progressive de la ville vers ses collines. Nice se relève chaque fois, s’adapte, et trouve toujours une nouvelle manière d’accueillir ceux qui viennent chercher ici soleil, repos et dépaysement.
Source : Delcampe.net
Après la Seconde Guerre mondiale, la construction d’un aéroport moderne redonne un souffle puissant à la destination. Grâce à cet accès facilité, Nice entre véritablement dans l’ère du tourisme de masse : les visiteurs affluent, non seulement pour profiter de la mer et du soleil, mais aussi parce que la ville devient un point d’entrée incontournable vers toute la Côte d’Azur. Pourtant, malgré cette démocratisation du voyage, Nice continue d’attirer une clientèle internationale aisée, séduite par ses hôtels haut de gamme, ses villas de standing et son ambiance cosmopolite. Dans ces années de reconstruction et d’essor économique, le tourisme se diversifie : aux vacanciers se mêlent désormais des congressistes, des voyageurs d’affaires, des artistes, des sportifs, ainsi qu’une population croissante de propriétaires de résidences secondaires. Ces nouvelles pratiques, associées aux grands événements culturels et aux infrastructures modernes, permettent à la ville de vivre au rythme du tourisme tout au long de l’année, et non plus seulement pendant la haute saison estivale ou la traditionnelle période hivernale.
Source : AM Nice, Photographie Les plages, 22/09/1972, 860 W 1972/2827
Aujourd’hui, Nice s’affirme comme une métropole touristique incontournable, admirée pour son architecture, sa lumière et son lien profond avec l’art et le cinéma. Cette attractivité s’explique autant par son aéroport international et ses grands événements que par la diversité de son offre culturelle et hôtelière. Mais cette réussite a aussi ses effets secondaires : la ville attire tellement de monde qu’elle se retrouve régulièrement saturée, notamment pendant le carnaval, les manifestations sportives ou les vacances, et son patrimoine historique, pourtant exceptionnel, reste parfois noyé sous le poids du tourisme de masse et d’une image trop exclusivement balnéaire. Vivre à Nice devient également un défi, entre la pression immobilière et l’afflux constant de visiteurs. Malgré tout, la ville poursuit une trajectoire de réinvention continue : du premier hivernant aristocrate au touriste connecté d’aujourd’hui, elle a su évoluer sans jamais perdre ce qui fait son attrait profond, ses paysages, sa lumière et ce charme si particulier qui frappe chaque voyageur.
Source : Photo personnelle