Challenge AZ : H
Hôpital
Source : Delcampe.net
La première épouse de mon arrière-arrière-grand-père, Louis François Véron, s’appelle Marie Anne Le Dain. Elle décède le 6 janvier 1895 à Épinay-sur-Orge. Née à Guénin, dans le Morbihan, elle est la fille de Pierre Marie Le Dain et de Françoise Le Trouher, cultivateurs.
Si je m’attarde un peu sur elle, c’est parce qu’elle porte le même nom que mon arrière-arrière-grand-mère : Anne Le Dain. Est-ce une coïncidence ? Ou bien Louis François épouse-t-il la sœur de sa première femme, comme cela se pratique parfois à cette époque ?
Mais non… Pour le moment, je ne trouve aucun lien de parenté entre les deux femmes, le patronyme Le Dain étant assez courant dans cette partie du Morbihan.
Marie Anne quitte le Morbihan pour s’installer à Paris, où elle épouse Louis François, alors employé des chemins de fer, en 1886. Neuf ans plus tard, elle meurt à Épinay-sur-Orge, une commune de l’Essonne située à une vingtaine de kilomètres de Paris.
Source AD91, Epinay-sur-Orge, NMD (1895-1897), 4E/3252, vue 4/243
Marie Anne et Louis François n’ont pas d’enfant.
Louis François et Anne, mon arrière-arrière-grand-mère, deviennent parents d’une petite fille, Louise Marie, née à Paris en 1897. Leur union n’est pas encore officialisée à ce moment-là : ils se marieront l’année suivante.
Et là, on ne voit pas le rapport avec « hôpital »… J’y viens.
Parce que Marie Anne m’intrigue (je suis même en train de me demander quel métier elle exerçait réellement à Paris, mais ça, je le garde pour plus tard).
Dans cette famille, les décès sont généralement déclarés par des personnes appartenant à l’entourage immédiat du défunt : parents, voisins ou amis, que l’on retrouve fréquemment mentionnés comme témoins dans les actes de mariage. Ici c’est un cantonnier, Albert Perrot et un employé, Gilbert Avard, deux inconnus. Et puis que faisait-elle à Épinay-sur-orge? Des interrogations mais qui me laissent tout de fois dormirent paisiblement puisque je continue sur mes ancêtres directs
En 2023, j’apprend qu’un spin-off d’une série que je suivais à ses débuts (et qui devrait désormais arrêter les frais) est tournée dans un ancien hôpital psychiatrique à Épinay-sur-Orge. Marie Anne réapparaît dans mon esprit, et si elle était décédée dans cet hôpital.
Source : france3-regions.franceinfo.fr
Je lis des articles, je me renseigne sur cet hôpital et j’envoie un mail à l’association « Les amis de Vaucluse », le président me répond très vite, les dossiers des anciens patients ont été transférés aux archives de Paris. J’écris aux AD75, ils ont le dossier, ils me l’envoient après paiement des frais de reproduction. Et voilà le dossier de placement d’office de Marie Anne Le Dain, matricule 79324
Elle entre le 25 juillet 1893 à l’asile psychiatrique de Perray-Vaucluse pour « aliénation mentale qui compromet l’ordre public ou la sûreté des personnes », son séjour doit être temporaire et pourtant elle y reste jusqu’à son décès en 1895. Les différents certificats médicaux notent des troubles mentaux qui « paraissent » d’origine alcoolique, des hallucinations visuelles, divagations, turbulences etc… L’alcoolisme n’est que « probable » sur les certificats et elle meurt de paralysie générale.
La paralysie générale est une complication de la syphilis, les symptômes se diffusent environ 15 ans après la primo infection, ils sont à peu près semblables à ce qui est décrit dans le dossier de Marie Anne (source : Dictionnaire médical de l’Académie de Médecine):
« - un syndrome psychique avec signes frontaux (surtout euphorie béate et indifférence), idées délirantes mégalomaniaques absurdes (imaginatives et fabulatoires) et évolution vers une démence apathique profonde : d'où la dénomination elliptique de paralysie générale ;
- un syndrome neurologique avec tremblement fin, menu, rapide, des extrémités et de la région labiolinguale, dysarthrie particulière comportant un achoppement au milieu des mots longs »
Cette maladie a quasiment disparu depuis l’utilisation de la pénicilline.
Sans passer par les sources archivistiques habituelles, notamment les séries H-dépôt consacrées aux hôpitaux, la découverte de cette histoire a été rendue possible grâce à la réactivité et l’efficacité d’une association et d’une archiviste parisienne.
L’histoire de Marie Anne Le Dain ressurgit ainsi, entre les lignes d’un vieux dossier et les murs d’un ancien hôpital. Elle rappelle que la généalogie ne se résume pas à des dates et des filiations, mais qu’elle éclaire aussi des destins brisés, des silences et la fragilité des vies ordinaires.
Et merci Daryl, mais arrête, vraiment!
Source : Hollywoodreporter.com